Projet commun à la Foire d’art contemporain Plural 2025

Dans le cadre de l’édition 2025 de la Foire d’art contemporain Plural, Projet commun présente dans son kiosque les artistes Orise Jacques-Durocher et Camille Lescarbeau, dont les travaux recèlent, sous le couvert de l’innocence, une richesse artisanale et intellectuelle. Derrière une apparente naïveté, accentuée par une palette girly[1], leurs œuvres abordent les enjeux actuels en ce qui concerne le recyclage et l’atelier de l’artiste – quasi prolétaire – dans un contexte où les conditions de l’expression artistique naviguent entre incertitude et instabilité. Qu’il s’agisse des formes, des matériaux, des couleurs ou même des titres, chaque détail devient un vecteur pour réfléchir au monde (in)tangible qui nous entoure. Ces deux artistes nous invitent à mieux comprendre le spectacle qui se déploie devant nous, voire à contribuer à sa transformation.

[1] Dans l’encyclopédie en ligne Wikipédia, « girly » est défini comme : « un terme familier et condescendant pour dire, notamment en littérature, “avec des filles” ou “fait par une fille”. C’est aussi une tendance ou un mouvement de mode, apparu au début des années 2000, qui désigne une attitude, souvent ingénue, que les jeunes filles aiment se donner. C’est la culture du rose et des couleurs vives, des strass, des paillettes, de la fausse fourrure, des jupes… C’est un moyen d’expression et d’appartenance à un groupe social touchant les jeunes filles “trop jeunes pour les garçons, trop vieilles pour les jouets” ».

Dans l’univers imaginé par Orise Jacques-Durocher, des protagonistes ingénus habitent une société où la candeur anime les relations interpersonnelles. Cette fiction légère et poétique, construite selon les termes du labeur, dissimule les travers de l’époque occidentale contemporaine où les inégalités ignorées, dans une douce indifférence ou une cécité à la fois frénétique et lacunaire, bercent l’individualité de promesses. Des pièces façonnées à la main, suivant le rythme de la matière et ses caprices, aux personnages qui semblent soumis à l’opulence, cet imaginaire se révèle non loin du réel. Entre vigueur, patience et délicatesse, la technique d’Orise, favorisant la réutilisation des restes de l’atelier, sert la composition de fables dans lesquelles des objets fragiles mais solides transportent les récits d’une fantaisie.

Orise Jacques-Durocher, De la série Utopie, oiseaux, etc., 2024, Montréal. Crédit photo : William Sabourin.

En approfondissant le savoir-faire et l’esthétique, Camille Lescarbeau adopte un geste lucide et méticuleux qui brouille les frontières entre l’art et l’artisanat. Inspirée par les ressources qui l’entourent, sa pratique relève d’un processus de création circulaire où chaque action, qu’elle soit pensée soigneusement ou dictée par la matière, laisse non seulement dans son œuvre la trace du temps et du travail, mais aussi l’empreinte d’un environnement consommé sans répit. De la collecte de rebuts à la fabrication de papiers à la main, ses propositions se déploient dans l’imprévisibilité tout en étant guidées par une conscience aiguë des logiques qui régissent l’écosystème de l’art contemporain.

Camille Lescarbeau, La compression des instants (Portail 3), 2024, Gatineau. Crédit photo : Alexis Bernard.

Alors que l’idée de décroissance ne peut être plus pertinente qu’aujourd’hui, il importe de remettre en cause les actions qui affectent violemment les êtres humains et les espaces qu’ils habitent, dont l’évènementalisation de l’art. Le rythme effréné, désormais coutume, régule la cadence de nos vies quotidiennes et professionnelles. Pourtant insoutenable, cette réalité persiste, causant dommages et souffrances, parfois irréversibles. Afin de réfléchir à notre posture face à cette crise, nous avons eu l’occasion de collaborer avec Anne-Sophie Evoy, experte de la question. L’exposition présentée dans notre kiosque intègre donc cette perspective, cherchant à aborder ces enjeux à travers une réflexion collective.


ORISE

Artiste représentée

Crédit photo : Noémie Sylvestre 


BIOGRAPHIE
Orise Jacques-Durocher est une artiste qui vit et travaille à Montréal où elle a obtenu un baccalauréat en Beaux-arts de l’Université Concordia (2020). Son travail a été présenté dans des expositions collectives et individuelles au Québec, au Nouveau-Brunswick, ainsi qu’au Danemark, lors d’une résidence au Guldagergaard International Ceramic Research Center.


DÉMARCHE DE L’ARTISTE
Par la sculpture et l’installation, ma pratique expérimentale de la céramique investigue et réimagine notre compréhension de l’objet. Une approche inspirée des principes de la fable me permet d’aborder mes réflexions critiques et romantiques avec un subtil sourire en coin. Dans l’atelier et dans la vie quotidienne, mon travail se développe avec un attachement persistant à des processus lents et engageants. Mes choix de méthodes, des plus triviales aux extravagantes (façonner des colombins d’argile pendant des heures, concasser une sculpture en mille morceaux avec un marteau, passer la moppe), me mènent à entretenir une relation étroite et soigneuse avec la matière, faisant de mon travail la trace visible de ce dialogue intime. 


Depuis 2021, suite à des réflexions sur la vigueur et la longévité de la matière céramique, et aussi dans un processus de nécessité et de curiosité, je développe un procédé matériel expérimental consistant entre autres à concasser finement mes propres œuvres pour en faire de nouvelles. La matière concassée se lie aux glaçures appliquées à la surface des sculptures et crée une texture intrigante, qui brouille notre perception de la matière. Le labeur perçu dans les formes engage aussi des réflexions sur le travail et la productivité dans un monde de l’art soumis à la vitesse et à la précarité. La délicatesse énigmatique de certaines pièces façonnées à la main est également une manière de souligner et de célébrer la forte sensibilité de la matière céramique.

Parallèlement à mes recherches matérielles, je développe des séries de sculptures, nourries par des références variées, souvent littéraires, tantôt philosophiques ou issues du monde naturel. Ces sculptures évoluent, se multiplient et se transforment au fil de mes lectures et errances.

CAMILLE

Artiste représentée

Crédit photo : Document original


BIOGRAPHIE
Camille Lescarbeau est une artiste-artisane écoféministe qui habite à Montréal. Elle est titulaire d’une maîtrise en arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et d’un baccalauréat en arts visuels de l’Université Concordia. Ses expositions récentes ont eu lieu à Regart, L’Espace Pierre-Debain, la Galerie FOFA et au Livart. Elle a participé à plusieurs résidences, notamment au Musée régional de Rimouski et à la Biennale de sculptures de Saint-Jean-Port-Joli. Camille présente régulièrement le fruit de ses recherches en contribuant à des tables rondes, à des ateliers et à des présentations. Elle a co-fondé l’atelier de papier fait à la main de l’UQAM. 

DÉMARCHE DE L’ARTISTE
Je développe une pratique sculpturale et picturale du papier fait à la main, ancrée dans des valeurs écoféministes. Ceci m’a menée à rejeter les idéaux de régularité et de maîtrise technique historiquement associés à l’artisanat. Plutôt que des fibres nobles et des outils dispendieux, j’utilise des déchets issus de ma vie quotidienne, tels que des cartons d’oeufs, du courrier et des esquisses.

Face à la crise écologique, les écoféministes appellent à agir. Dans cette pensée, toute la terre est sacrée, qu’elle soit préservée ou polluée, détruite ou cultivée. Il nous revient d’entrer avec elle dans un rapport de soin et de guérison. À travers ma pratique, je façonne mes rebuts, issus de la terre et maintes fois transformés, en symboles abstraits de renouvellement. Ceci me permet d’explorer ma relation au monde matériel et au soin qu’il requiert et mérite.

ANNE-SOPHIE
Représentante des publics

La collaboration avec Anne-Sophie Evoy a été un véritable plaisir. Sa perspective a nourri de manière significative celle de l’équipe de Projet commun. Son regard éclairé sur les enjeux environnementaux a enrichi nos discussions et permis de mieux orienter nos idées. Ses réflexions résonnent particulièrement avec les préoccupations des artistes mises de l’avant pour cette édition de la Foire Plural, notamment autour du recyclage, de la circularité et des pratiques durables. Son approche réaliste et inspirante a fait d’elle une collaboratrice précieuse dans cette démarche collective.

Biologiste de formation et détentrice d’une maîtrise en administration des affaires axée sur la responsabilité sociale et environnementale des organisations, Anne-Sophie s’intéresse aux rôles et responsabilités de diverses parties prenantes en contexte de crise climatique. Elle est animée par l’atteinte de justice environnementale et croit fondamentalement que chacun·e a son rôle à jouer pour réussir la transition socio-écologique nécessaire à la survie du vivant. 

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L’équipe de Projet commun remercie tout spécialement Marilou Bourdon pour son précieux soutien dans cette aventure.

Merci également à l’Association facultaire étudiante des arts (AFÉA) de l’Université du Québec à Montréal.


Crédit photo : Lawrence Fafard